Yves Guns
Je n’ai jamais compris pourquoi il est tellement difficile de trouver une bonne baguette (et souvent du bon pain) en Belgique, alors qu’en France, on peut s’en procurer à chaque coin de rue, à un prix démocratique qui de plus est. La Belgique est pourtant un territoire ayant un goût certain en gastronomie. A-t-elle éliminé le pain de celle-ci ?
Heureusement des exceptions existent. Des gens passionnés par le pain, travaillant sans cesse avec un esprit créatif et une envie d’aller plus loin. Yves Guns en fait partie. Et rencontrer des gens passionnés, je trouve ça passionnant. Voilà pourquoi j’ai directement accepté la proposition d’interview. J’avoue que je me demandais malgré tout sur qui j’allais tomber. Ce boulanger, qui a trois boulangeries différentes (Sterrebeek, Kortenberg et Bertem) sert les plus grands restaurants du pays (Sea Grill, Alexandre, Le comptoir de l’Eau Vive, BonBon et j’en passe). C’est également lui qui fournit les petits pains ronds de chez Pistolet Originals. Bref, une sommité! Qui fait tout sauf se la péter. J’ai été très étonnée d’avoir en face de moi quelqu’un d’ultra sympathique et super intéressant.
Son Parcours
Yves Guns est devenu boulanger un peu par hasard. Il désirait devenir pilote de ligne. Pour payer ses études onéreuses, il travaille dans une boulangerie. C’est là qu’il tombe amoureux du produit, de son odeur, du métier… Il devient d’abord pâtissier et reprend la boulangerie de son village natal. Mais il tombe à court de personnel et se retrouve obligé de s’occuper du pain. C’est le flash: il a trouvé sa vocation et ne la quittera plus.
Le levain, l’âme du boulanger
Je visite son atelier. Ici on prépare avec soin du levain, et surtout un levain liquide. Car le levain est, selon Yves, l’âme du boulanger. Il faut apprendre à l’apprivoiser. Le sien est préparé selon un rituel précis : il fait fermenter des raisins et pommes et récupère le jus, qu’il laisse macérer pendant 24 h à 24°. Ensuite il rajoute de l’eau et de la farine, pétrit le tout pendant 2 à 3 minutes et laisse reposer à nouveau pendant 24 h à 24°. Il réitère ce même procédé pendant 5 jours.
Lorsque je lui demande pourquoi la culture des pains en Belgique n’est pas du tout la même que celle en France, il sourit.
« Le Belge n’aime déjà pas les trous dans la mie, qui sont normalement synonymes de qualité. Il faut dire qu’ils font couler la confiture sur l’assiette », justifie-t-il en souriant. « De plus, il faut que le pain tienne bon le plus de jours possibles. Et pour ce faire, pas de secret, il faut ajouter des amylazes (améliorants), qui agissent sur les gluten*. Cela nuit forcément sur le goût et la qualité du pain… » regrette-t-il.
Quel est son secret?
On le comprend vite, lorsqu’on voit la beauté de ses pains et lorsqu’on visite son atelier: rien n’est laissé au hasard et la qualité prime sur tout. Chaque ingrédient et processus de création est important. Yves utilise différentes farines mais a un faible pour l’épeautre. « J’essaye de travailler davantage sur le côté santé. Le petit épeautre ou l’engrain, en plus d’être pauvre en gluten*, offre des vertus diabétiques. » Nous avons déjà parlé du levain, qui joue un rôle primordial dans le goût du pain. Le façonnage est aussi minutieux. Ensuite un peu de repos et au four! Ici, on ne badine pas avec la cuisson, qui s’effectue dans un four à bois.
Face à un tel savoir-faire, on est ébloui. « C’est facile, j’ai vraiment trouvé mon truc, je suis vraiment heureux et n’ai pas l’impression de travailler » . Et on décomplexe « comme j’essaye toujours de tester de nouvelles expériences, je me plante parfois lamentablement. Mais cela me stimule pour trouver trouver des solutions ».
Mes coups de coeur ? La baguette Kortenberg, le pain au vin rouge (pour déguster par exemple avec du fromage) et la tourte meule.
Pour plus d’infos : http://www.yvesguns.be/
Attention: les boulangeries sont fermées chaque mardi. Un congé annuel est également prévu 3 semaines durant le mois de juillet.
*Les intolérants au gluten de froment sont les bienvenus. En effet, il propose plein d’alternatives (pains au kamut ou petit épeautre), aussi goûteuses qu’originales.
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