L’air du temps, un moment hors du temps…
Je vous ai déjà parlé de l’Air du Temps et de mon admiration pour Sang-Hoon Degeimbre. La chanceuse que je suis est retournée il y a quelques mois, pour un dîner à 4 mains, accompagné par Bo Bech du restaurant Geist au Danemark. A l’occasion de la future ouverture de son nouveau restaurant à Bruxelles, je me suis dit que le timing était parfait pour vous relater mon expérience à Eghezée.
Commençons par le commencement: l’endroit. Une ferme élégante, large jardin potager, un cadre contemporain et épuré, rehaussé par des tables en bois, une vaisselle unique,… l’Air du Temps est un ravissement pour les yeux. Il y règne un calme reposant, ressourçant. Nous sommes assis à la table d’hôte, située à côté de la cuisine, offrant une vue sans pareille sur l’espace de travail. Là aussi, l’équipe s’active dans un silence religieux, en osmose, sans stress. On aperçoit des canards laqués à côté d’un feu, on hume des odeurs d’épices… la soirée s’annonce délicieuse!
Le menu commence avec quelques savoureuses mises en bouche (oignons au sésame, olives fumées à la cannelle et réglisse, oeuf, fruit de la passion et brocoli…). Comme il est de mise lors d’un dîner à 4 mains: un produit est imposé aux chefs. Aujourd’hui, c’est la carotte lacto-fermentée. Sang-Hoon en fera une pizza revisitée avec de la mozzarella et un jus vert. Bo lui l’agrémenterai de boeuf façon carpaccio, liqueur de banane (je vous rassure – très subtile) et du piment d’espelette.
Vient ensuite le caviar… Bo livre une purée de pomme de terre coulante avec une belle quantité de caviar. Quelle claque! Moi qui pensais ne pas aimer le caviar, j’avais tout faux. Tout est parfaitement équilibré, fondant, succulent. San proposera des langoustines, caviar, crevettes grises, nouilles de tofu et salicornes. Un petit moment de magie: des nouilles qui se forment lors du dressage, un bouillon tellement parfumé… divin.
S’en suit un Bo-San, une spécialité coréenne à base de lard confit, huîtres et chou. Puis un chou-fleur, sauce à la truffe noire, écume de fromage. Le canard laqué, sirop d’érable, purée d’ail, daïkon farcis, est d’une précision déconcertante. Un plat complètement comme je les aime: généreux, puissant et fin à la fois, une dimension réconfortante…
Coup de coeur également pour les 2 desserts. Le premier (proche de ce que l’on avait pu goûter à Culinaria): pain perdu, salsifis caramélisés, glace vanille. Le deuxième: sorbet au chocolat noir, chips de salsifis, chocolat blanc caramélisé.
Ce qui marque vraiment le dîner et ce que je trouve fabuleux avec les dîners à 4 mains, c’est le contraste des 2 cuisines présentées. Celle de Bo est très instinctive, charnelle. Elle va droit au but. On est submergé par sa sincérité et sa simplicité. Celle de San est plus réfléchie. Elle témoigne d’un acheminement pour atteindre la justesse, l’équilibre, la perfection en somme? Une chose est sûre, on n’en est pas loin. Sa cuisine nous invite à aller encore plus loin, atteindre une dimension qui nous avait échappé et ressentir une émotion rare.
Ce qui est très beau à voir aussi, c’est le respect qu’ils ont l’un pour l’autre. Et bien sûr, leur générosité. Bref, j’ai été conquise par ce dîner, par le talent et la gentille de ces 2 chefs… J’ai passé un vrai moment d’extase, hors du temps. Merci !